La Bibliothèque sonore de Metz dispose de plus de 3 000 livres enregistrés par des donneurs de voix. Elle s’adresse à des malvoyants qui ne peuvent plus lire. Mais elle reste encore trop peu connue.
Nous ne sommes pas suffisamment connus. » La plainte émane d’Aristide Berthet, président de la Bibliothèque sonore de Metz, installée à l’Hôtel de Gournay. Pourtant, cette association œuvre pour permettre aux malvoyants ou aux aveugles de se réapproprier les grands chapitres de la littérature, voire les grands moments de l’information dans les magazines.
Aristide Berthet part d’un constat chiffré : « La France compte 1,7 million de malvoyants, la Moselle entre 26 000 et 27 000, dont 3 200 aveugles. Et la Bibliothèque sonore messine ne compte que 140 inscriptions, « plus une quinzaine d’enfants. Nous avons un partenariat avec l’établissement Jean-XXIII ». Quels ouvrages ?
La bibliothèque messine a enregistré près de 3 000 ouvrages. « Mais nous pouvons, par le serveur national, accéder aux ouvrages des 114 autres Bibliothèques sonores de France. » Romans, essais, magazines, une gamme très large de lecture est ouverte, dont des livres destinées à l’enseignement. « Si nous ne disposons pas du livre, nous enregistrons à la demande. »
Cette Bibliothèque sonore s’adresse à toutes les personnes empêchées de lire, c’est-à-dire aveugles, malvoyantes, handicapées moteur, dyslexiques, dyspraxiques… «Les prêts sont gratuits, précise le président. On leur demande un engagement sur l’honneur pour que l’ouvrage soit utilisé à titre personnel. Nous demandons également un certificat médical ». Les donneurs de voix ?
Dix-sept personnes prêtent leurs voix aux enregistrements des ouvrages. « Trois hommes uniquement », regrette un peu Aristide Berthet. Essentiellement des personnes en retraite qui enregistrent les titres sur divers supports numériques : MP3, clés USB. « Nous leur demandons essentiellement de respecter des normes techniques d’enregistrement. »
Nous cherchons des bénévoles donneurs de temps. Une ou deux personnes qui se rendraient dans les établissements scolaires et les bibliothèques du département pour parler de la Bibliothèque sonore.
Aristide Berthet, président de la Bibliothèque sonore.L’association bénéficie de subventions du Département, et des Villes de Montigny-lès-Metz et de Metz, pour environ 1 000 €. « Nous sommes très aidés par les Lion’s club, qui ont créé l’association Les Donneurs de voix en 1972. » Association qui a été reconnue d’utilité publique en 1977.
C’est le nombre de titres enregistrés à la Bibliothèque sonore de Metz.
C’est le nombre de bénévoles messins qui gèrent la Bibliothèque sonore. Les enregistrements sont pris et rendus sur place, ou expédiés à domicile. Les livres et revues peuvent également être téléchargés directement en audio-lecteur.
"Je n’envisage pas ma vie sans la lecture", déclare tout de go Marie-France Becker. C’est cette passion qui l’a conduite vers l’association des Donneurs de voix. C’était il y a dix ans. Elle prenait sa retraite, disposait de temps qu’elle avait envie de partager. Une amie l’a aiguillée. Depuis, elle travaille chez elle. Équipée d’un ordinateur et d’un micro qui ont remplacé les cassettes à bande.
Plus pratique, plus facile. « Nous disposons d’un logiciel qui permet d’enregistrer et de corriger si besoin. » Des livres, elle en a lu « une bonne soixantaine ».
Ceux qu’elle aime, et ceux qu’on lui demande. « Le dernier s’intitulait Apocalypse, de Giacometti et Ravenne », un ouvrage de quelque 500 pages qui lui a valu six semaines d’enregistrement.
Tous les matins, Marie-France s’isole pour lire à haute voix. « À travers l’intonation de ma voix, j’essaie de traduire ce que l’auteur veut faire passer.
» Elle prend son temps, essaie de ne pas lire trop vite, « ce qu’on me reprochait au départ », sourit-elle. Elle s’accorde douze minutes de lecture avant de procéder à l’écoute et à la correction.
« Ce n’est pas le plus plaisant. » Au bout d’une heure d’enregistrement, elle s’arrête, par mesure d’efficacité. En dix ans de pratique, elle avoue avoir évolué, « dans la manière d’articuler ». Elle se rend compte encore, que lorsqu’elle lit pour elle, « l’intonation est plus prononcée ».Anne RIMLINGER-PIGNON